[creation site internet] [logiciel creation site] [creation site web] [marie madeleine roger van des weiden]
[fresque de l'église san francisco d'arezzo]
[sculpture sur bois donatello]
[madeleine penitente le titien]
[marie madeleine le caravage]
[voir l'image]
[marie madeleine repentante canova]
[la madeleine le greco]

Certaines oeuvres sont visibles en grand format en cliquant sur la miniature correspondante

Najia Mehadji, Flux, 2004


Les artistes contemporains ne se sentiraient plus liés aux codes iconographiques en cours il y a encore une cinquantaine d’années. L’évolution des moeurs, les bouleversements apportés par ces deux dernières guerres mondiales, l’accélération brutale du mode de vie, ont créé une distance par rapport à ce passé et mettent en cause des comportements qui autrefois paraissaient normaux. Les symboles n’ont plus forcément la même signification et les représentations de la vie peuvent être tout à fait obscures ou pour le moins fragmentées ou seulement allusives. On sait comment les cheveux occupent une place essentielle dans la peinture de Mehadji. Aussi l’artiste s’est-elle emparée de la chevelure de Marie-Madeleine et l’a transformée en symbole total de la sainte. L’or et l’ondoiement de cette chevelure apportent dynamisme et lumière.

Canova, Marie-Madeleine repentante, 1809, Saint-Petersbourg, Musée de l’Ermitage


Étrange sujet pour un sculpteur qui était peu sensible aux sujets religieux. Tout montre pourtant que cette sainte, femme passionnée l’a intéressé au plus haut point. Il en a fait un personnage dramatique accablé par la douleur.

Georges de La Tour,1640, New-York, Metropolitan Museum


Le « clair-obscur » si cher à La Tour permet de renforcer le message de la Sainte. « Vanité » ou repentance de Marie-Madeleine ? Le reflet de la bougie dans le miroir, le crâne de mort, les bijoux abandonnés sont autant de symboles du passage du temps qui étaient utilisés comme attributs iconographiques pour les deux sujets, malgré l’absence remarquée du crucifix comme chez Titien, Caravage ou Le Greco.

  

Attr. à Brueghel l’ancien, dit « de Velours », Marie-Madeleine, non daté

Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts


Comme souvent, le peintre n’a pas situé la scène au centre du tableau, mais dans un coin, à l’écart. Marie-Madeleine, élégamment vêtue, prie à l’entrée d’une grotte donnant sur un vaste paysage verdoyant. Elle est agenouillée les mains jointes devant un crucifix placé sur une grande table ronde, posant sur un grand tapis étalé directement sur la terre et recouverte d’un lourd tissu.

Il était décidément impossible à cet artiste qui aimait la nature d’imaginer une image de dévotion représentant une pénitente ascétique dans le désert.

Le Greco, la Madeleine, 1576


La grotte, le crâne, le livre, le vase, tous les attributs sont là, sauf le crucifix, pour désigner Marie-Madeleine en pleine repentance. Le visage de la sainte, cependant, a gardé toute sa beauté malgré ses yeux cernés et les vêtements sont somptueux. L’artiste n’a pu se résoudre à représenter une pauvresse, comme Donatello l’a fait avec tant de force.

  

Deux types prévalent manifestement :

Le Caravage, Marie-Madeleine, 1594-1596, Rome, Galerie Doria Pamphily


Le temps est suspendu dans cette peinture réaliste, populaire, très différente, dans son esprit, des autres. Aucune emphase. C’est le silence autour de Marie Madeleine, jolie jeune femme, assise dans un lieu insignifiant, la tête inclinée, surprise dans une profonde méditation, les cheveux raides et épars, les mains jointes sur les genoux. Son humilité et l’expression de son visage évitent tout effet grandiloquent.

Le Titien, Marie-Madeleine pénitente, 1560, Saint-Petersbourg, Musée de l’Ermitage


Le peintre profite du sujet pour dénuder le buste d’une plantureuse Marie-Madeleine. Celui-ci est légèrement dissimulé par les deux épaisses nattes tombant de l’abondante chevelure, ce qui contribue encore à toute la volupté qui se dégage de la personne et du désordre de ses vêtements. Elle lève les yeux en extase vers le ciel, un livre de prières posé sur les genoux.

Cette volupté, dont la représentation dans l’art avait été longtemps bridée, émerge partout à la Renaissance, même dans les oeuvres religieuses. L’intérêt scientifique croissant pour l’homme en tant qu’individu et objet d’étude, ainsi que pour la nature et sa vie autonome, prêtent à des expressions artistiques plus réalistes. Beaucoup d’artistes semblent avoir saisi l’aspect pénitentiel de la vie de la sainte connue pour sa sensualité avant sa conversion, pour représenter ce corps féminin plus ou moins dénudé.

  

Donatello, XVe siècle, Baptistère de Florence, sculpture sur bois


C’est la Marie-Madeleine confondue avec Marie l’Égyptienne qui est montrée ici, vêtue jusqu’aux genoux, de ses seuls cheveux. Elle est décharnée, a le visage ravagé et creusé par ses veilles, et joint ses mains en prière.


Le Président de Brosses écrivait de cette représentation « qu’elle l’a pour toujours dégoûté de la pénitence »

(dans Louis Réau, Iconographie de l’art chrétien, 1958, T. III)

Piero della Francesca, fresque de l'église San Francisco d'Arezzo

la pénitente, au contraire, en réfère à la vie de la sainte, après sa conversion, lors de sa retraite à la Sainte-Baume, méditant douloureusement sur  son passé tumultueux ainsi que sur ses fins dernières devant un crâne de mort et souvent devant un crucifix, des bijoux cassés et autres symboles de vanité, dans un cadre austère et sans décor, évoquant la grotte. Ce type de représentation évidemment   significative d’une attitude de pénitence, semble prédominer à la Renaissance et surtout à l’époque post-tridentine, parce qu’il touche le point très sensible entre catholiques romains et protestants, de la suppression par ces derniers de cinq sacrements, dont la pénitence (ou réconciliation), seuls le baptême et l’Eucharistie étant conservés par eux. Peindre une Madeleine pénitente était une manière de revendiquer face aux protestants le maintien de ce sacrement, chemin vers la réconciliation.

Roger van der Weyden, Marie-Madeleine, 1450, musée du Louvre, Paris

la myrrhophore (porteuse de Myrrhe), richement habillée, portant un précieux vase de parfum, en réfère à Marie de Béthanie ou à Marie la pécheresse, mais même aussi à Marie de Magdala, la femme libérée des sept démons, celle qui se précipitait, au tombeau de Jésus, munie d’un vase de parfums pour son  embaumement. Le vase est l’élément spécifique et essentiellement symbolique de l’événement initiateur de conversion de la sainte

Les diverses représentations anciennes de la sainte, vénérée depuis le haut-Moyen-âge comme un « modèle de pénitence », s’inspirent pour la plupart de trois sources : les quatre évangiles canoniques, la légende des « Saintes Marie de la mer » diffusée largement au XIIIe siècle par la Légende dorée de Jacques de Voragine, et les Mystères, pièces de théâtre sur des sujets religieux, très répandues au Moyen- Age. Aujourd’hui, Marie-Madeleine est surtout reconnue comme l’apôtre des apôtres, celle qui a suivi fidèlement Jésus après sa conversion et qui a été la première à le reconnaître après sa résurrection.


L’iconographie du personnage est devenue un amalgame de trois différentes Marie bibliques : Marie, surnommée la « Pécheresse », répandant sur les pieds de Jésus lors d’un repas chez Simon, un coûteux parfum et l’essuyant de ses cheveux ; Marie de Béthanie, soeur de Marthe et de Lazare, hôtesse de Jésus, attentive à sa parole, et ayant, elle aussi, versé un coûteux parfum sur la tête de Jésus et pris ses cheveux pour l’essuyer ; Marie de Magdala, délivrée de sept démons par Jésus, présente au Calvaire, et la première à voir Jésus ressuscité - apparition connue sous le nom de « Noli me tangere » ou « ne me touche pas ». Par ailleurs, l’histoire des « Saintes Marie de la mer », racontée par Voragine dans sa Légende dorée et enrichie par les « Mystères », veut que Marie de Magdala et Marie de Béthanie, avec sa soeur Marthe et son frère Lazare, fuient en barque la Palestine, abordent à Marseille et commencent une prédication de plusieurs années, après lesquelles Marie-Madeleine se retire dans une grotte d’un massif montagneux désertique, appelé par la suite Sainte-Baume. Transportée par des anges, elle ne se nourrit plus chaque jour que de concerts célestes. Il ne lui reste que sa seule chevelure comme vêtement. Au bout de trente années, elle meurt, ayant eu le temps de recevoir l’eucharistie de Saint Maximin évêque du lieu éponyme.


Éventuellement cette histoire est confondue avec celle de Sainte Marie l’Egyptienne, ce qui explique le vêtement réduit à la chevelure que l’on voit parfois sur les images de  Marie-Madeleine.


Tous ces épisodes, qu’ils soient racontés par les Évangiles ou par des légendes, ont donné naissance à de puissants symboles qui deviendront les attributs iconographiques récurrents de la sainte lorsqu'elle est représentée isolée.


Pour mieux situer la Marie-Madeleine de Santerre parmi ses semblables, il en sera proposé ici quelques exemples, figures isolées comme celle du peintre, jouant le rôle d’une image de dévotion incitatrice de prière et de réflexion. Ils datent principalement de la Renaissance et de la période post-tridentine (postérieure au Concile de Trente 1545-1563), celle du tableau.

Sources iconographiques

Le tableau de Santerre qui figure dans notre église suit l’iconographie en cours à cette époque :

Marie-Madeleine est une belle femme, portant un déshabillé de tissu précieux. Elle a les seins  légèrement dénudés, et ses anciens bijoux sont éparpillés, en morceaux, sur la table devant laquelle elle est assise.  Les références à son passé tumultueux ne doivent pas cacher l’intention pieuse de cette représentation. Le crâne que tient la Sainte entre ses mains évoque la mort et devient le support d’une profonde méditation sur les fins dernières. Cette œuvre exprime de la gravité sans toutefois être dramatique.

Ce document est une reproduction des textes de l'exposition présentée le 17 septembre 2011 en l'église de Magny en Vexin

 

SANTERRE ET LES IMAGES DE LA TRÈS SAINTE DEMOISELLE PÉCHERESSE*

* nom donné à la sainte au Moyen-Âge

voir l'image
image non disponible
voir l'image
voir l'image
image non disponible
voir l'image
voir l'image
voir l'image
voir l'image
voir l'image